ADVERTISEMENT
Marc Simoncini livre un témoignage saisissant sur le cynisme de l’industrie pharmaceutique, à travers une expérience vécue il y a une vingtaine d’années. À l’époque, une initiative scientifique ambitieuse se mettait en place en France : l’étude SU.VI.MAX (Supplémentation en VItamines et Minéraux AntioXydants). Cette étude de grande ampleur visait à évaluer si la prise régulière de vitamines et de compléments alimentaires pouvait contribuer à réduire les risques de maladies graves, notamment le cancer, chez une population en bonne santé.
L’étude, lancée en 1994 et menée pendant huit ans, impliquait la participation de milliers de volontaires répartis en deux groupes : l’un recevant quotidiennement un cocktail de vitamines et minéraux antioxydants, l’autre un placebo. L’objectif était de déterminer, sur une longue période, si la supplémentation permettait réellement de prévenir certaines maladies, en particulier les cancers. Pour que cette étude aboutisse, il fallait des financements considérables, notamment pour assurer le suivi des participants, la logistique des capsules et l’analyse scientifique des données.
Dans ce contexte, Simoncini raconte avoir été sollicité pour aider à lever des fonds. Il s’est alors tourné vers le PDG du plus grand laboratoire pharmaceutique français, espérant obtenir un soutien financier à hauteur de 150 000 francs. Ce rendez-vous, dont il se souvient avec une précision troublante, l’a profondément marqué. Reçu dans un bureau luxueux, il est frappé par un détail visuel insolite : les chaussettes en soie rose de son interlocuteur. Mais le choc réel vient des mots prononcés : « Pourquoi voulez-vous que j’évite le cancer des enfants puisque mon métier, c’est de vendre des médicaments une fois qu’ils l’ont ? ».
Cette réponse, brutale et sans détour, reste gravée dans sa mémoire. Elle révèle une logique commerciale implacable, selon laquelle la prévention ne présente aucun intérêt économique pour ceux dont le modèle repose sur la vente de traitements. Simoncini confie qu’il ne s’est jamais remis de cette phrase, se demandant combien d’enfants auraient pu être épargnés si cette prévention avait été soutenue dès le départ.
Ce témoignage s’inscrit dans une réflexion plus large sur les rapports entre recherche scientifique et intérêts industriels. Il met en garde contre la tentation de collaborer avec des laboratoires pharmaceutiques lorsqu’on porte une mission désintéressée, en particulier dans les domaines de la santé ou de l’alimentation. Selon lui, vendre son projet à ces géants reviendrait à « vendre son âme ».
S’adressant à un chercheur engagé, qu’il admire pour sa volonté de changer les choses sans vision purement business, Simoncini insiste sur l’importance de trouver des partenaires qui partagent une mission, pas un objectif de rentabilité. Il évoque la nécessité de s’entourer de personnes prêtes à mettre leurs moyens, financiers ou intellectuels, au service de la cause. Lui-même se dit incapable de financer seul un projet à hauteur de 200 000 euros, n’ayant pas de compétence spécifique en médecine ou en agriculture, mais se montre prêt à soutenir le projet autrement, avec sincérité et détermination.
« Si je peux faire une chose qui vous permette d’aller plus loin, je le ferai », conclut-il, tout en reconnaissant que ce soutien ne pourra pas être financier. Son témoignage, bien plus qu’une anecdote, est un réquisitoire lucide contre une industrie qui privilégie les maladies rentables à la prévention désintéressée.
Source : Pilule Rouge
ADVERTISEMENT